Quel malheur de voir ceux qui
dès le matin se ruent sur les boissons fortes,
et tard le soir encore s'échauffent avec du vin!
Ils s'enivrent au son des harpes et des lyres,
des tambourins et des flûtes.
Mais ils ne remarquent pas
que le Seigneur agit,
ils ne regardent pas ce qu'il fait.
C'est pourquoi le Seigneur déclare:
«Mon peuple sera déporté,
car il n'a rien compris.
Ses élites mourront de faim,
ses masses populaires dépériront de soif.»
La Mort a ouvert tout grand sa gueule,
elle l'agrandit démesurément.
Nobles et petit peuple de Jérusalem
y tomberont en pleine fête.
C'est pourquoi tous les hommes
devront s'incliner
et mordre la poussière.
L'homme au regard hautain
devra baisser les yeux.
Le Seigneur de l'univers montrera sa grandeur
en instaurant le droit;
l'unique vrai Dieu montrera qu'il est Dieu
en établissant son ordre.
Dans les ruines de la ville,
les moutons paîtront
comme dans leur pâturage,
et les chevreaux qu'on engraisse
y chercheront leur nourriture.
Quel malheur de voir ces gens
attelés au crime
par les cordes du mensonge!
Comme on traîne un chariot,
ils traînent derrière eux
les suites de leur faute.
Ils disent en effet:
«Vite, vite que se réalise
ce que le Seigneur doit faire,
nous voudrions voir ça!
Que le plan du Dieu d'Israël, le vrai, l'unique,
arrive à échéance,
nous aimerions le connaître!»
Quel malheur de voir ces gens
qui déclarent bien ce qui est mal,
et mal ce qui est bien!
Ils prétendent clair ce qui est sombre,
et sombre ce qui est clair.
De ce qui est doux
ils font quelque chose d'amer,
et de ce qui est amer
quelque chose de doux.
Quel malheur de voir ces gens
qui se prennent pour des sages
et qui se croient intelligents!
Quel malheur de voir ces gens
qui sont des champions pour boire,
des virtuoses pour préparer
des boissons corsées!
Ils acquittent le coupable
en échange d'un cadeau,
et ne veulent rien savoir
du bon droit de l'innocent.
C'est pourquoi ils auront le sort
de la paille qu'on brûle sur pied,
ou de l'herbe sèche
qui se consume dans les flammes.
Ils pourriront par la racine,
leur tige tombera en poussière,
car ils ont méprisé l'enseignement
du Seigneur de l'univers,
ils ont dédaigné la parole
de l'unique vrai Dieu, le Dieu d'Israël.
C'est pourquoi le Seigneur
fit éclater son indignation
contre son peuple.
Il l'a menacé du poing et l'a frappé.
Les montagnes en ont tremblé;
les cadavres des victimes
restent sur place dans les rues
comme des ordures.
Mais la colère du Seigneur
ne cesse pas pour autant,
et son poing reste menaçant.
Le Seigneur dresse un signal
pour des nations lointaines;
il siffle pour faire venir cette troupe
depuis le bout du monde.
La voilà qui se hâte
et arrive au plus vite.
Il n'y a personne chez elle
qui se sente fatigué,
personne qui traîne les pieds,
personne qui somnole,
personne qui s'endorme;
aucun ceinturon n'est débouclé,
aucun lacet desserré.
Ses flèches sont aiguisées,
ses arcs prêts à tirer.
Les sabots de ses chevaux
sont durs comme un silex,
et les roues de ses chars
font penser à un tourbillon.
On croit entendre
le rugissement d'une lionne,
le cri rauque d'un fauve,
qui gronde, saisit sa proie
et la met en lieu sûr,
sans que personne ose la lui arracher.
Un de ces jours cependant,
c'est contre cette nation
que le tonnerre grondera,
comme la mer en colère.
On regardera le pays,
mais on n'y verra
qu'une obscurité oppressante;
d'épais nuages obscurciront
la lumière du jour.