Ésaïe Introduction
Introduction
C'est le plus long des livres bibliques et pour certains sans doute le plus beau. Adressé à Jérusalem (appelée de façon poétique « Sion »), il nous touche par sa profondeur. Le nom Ésaïe (ou Isaïe) signifie “le Seigneur sauve”. En quelque sorte, ce nom résume le contenu du livre.
L'essentiel
Le livre est marqué par deux situations politiques, ce qui détermine deux grandes parties. Dans la première grande partie, l'Assyrie fait peser sa pression sur le royaume de Juda à la fin du 8e siècle avant J.-C. (1–39). Les paroles prophétiques (oracles) alternent avec des récits, des chants, des poèmes et des visions.
Un prologue dénonce le péché de Sion : le culte est vidé de son sens et l'injustice sociale est omniprésente (1). Puis un recueil de lamentations et d'oracles de jugement s'ouvre par la perspective d'un règne de paix (2–5).
La vocation d'Ésaïe comme prophète n'est racontée qu'ensuite. Elle amorce le changement voulu par Dieu et prend place au début de ce que l'on appelle parfois le « livret de l'Emmanuel » (6–12). Ce livret annonce de diverses manières la venue d'un roi juste et pacifique au nom symbolique d'Emmanuel (“Dieu avec nous”).
Un nouveau recueil d'oracles mêle le jugement de Jérusalem à celui des peuples ennemis (13–23). S'insèrent alors des poèmes qui évoquent les derniers temps, à la fois malheur et joie (24–27). Dans le recueil suivant, les oracles pour Jérusalem alternent malheur et bonheur (28–33).
Un double poème aux allures de fin du monde reprend les motifs du jugement et du salut (34–35). Il est suivi brusquement par un texte narratif (36–39) : l'intervention d'Ésaïe lors du siège de Jérusalem par les Assyriens (701 avant J.-C.) – le récit est pratiquement identique à celui de 2 Rois 18–20. La délivrance de la ville se termine par une ambassade babylonienne, ce qui fait transition avec la deuxième grande partie du livre.
Cette deuxième grande partie est marquée par la fin de l'exil à Babylone et le retour à Jérusalem à la fin du 6e siècle avant J.-C. (40–66). Elle est constituée entièrement d'oracles et de chants. Curieusement, Ésaïe n'est pas nommé. Il y a deux sections, l'une où Dieu console Israël (40–55) et l'autre qui vise la reconstruction matérielle et spirituelle de Sion (56–66).
La première section commence par le motif du réconfort (40.1-11). Puis le Seigneur, Dieu de l'univers, choisit le roi étranger Cyrus pour renverser Babylone (40.12–48.22). De superbes images évoquent la création du monde et la libération d'Égypte. Alors le Seigneur, plein de tendresse maternelle, charge un mystérieux « serviteur » d'une mission de réconfort et il appelle son peuple à se réjouir du retour à Sion (49.1–55.8). Le serviteur va jusqu'à donner sa vie. Le renouveau de Sion, embellie, montre combien elle est aimée du Seigneur. Une conclusion chante la force de la parole de Dieu (55.9-13).
Dans la deuxième section, Sion rayonne (56–64). Le Seigneur lui redonne courage. Sa Maison (le temple de Jérusalem) s'ouvre aux artisans de paix, même s'ils sont étrangers. Il se révèle le Dieu des pauvres et des humiliés, il invite chacun à reconnaître son péché et à rejeter les idoles. Il établit une nouvelle alliance. Dans un épilogue aussi lumineux que le prologue du livre était sombre, Sion la bien-aimée attire à elle tous les peuples (65–66).
Quelques biblistes soutiennent que l'ensemble du livre remonte au prophète Ésaïe du 8e siècle (entre 740 et 700 avant J.-C.). Vu les différences de styles ou de contenu, d'autres pensent que la rédaction s'est étalée sur deux siècles au moins. Au final, cependant, le livre montre une belle unité sur le fond.
De la pression assyrienne au retour d'exil, de la menace de destruction au temps de la reconstruction, le livre d'Ésaïe nous invite à réfléchir au sens de l'histoire humaine. Dieu est présent. Dès la première partie, il est « saint » (au-delà de tout) et il aime Sion d'un amour exclusif. Dans la seconde, il apparaît comme le Dieu de l'univers et pourtant caché. Deux verbes le caractérisent : « sauver » et « créer ». Il a fallu au peuple d'Israël un long chemin pour le découvrir tel qu'il est.
L'engagement de Dieu se manifeste par le don de l'« Emmanuel » dans la première partie du livre puis, dans la seconde, par le choix de Cyrus le roi libérateur et surtout par celui du « serviteur ». L'Emmanuel est plus qu'un roi, il inaugure un temps de paix universelle. Le serviteur semble moins qu'un homme : il est humilié, on le fait souffrir et pourtant, c'est lui qui permet à tous d'être sauvés.
L'Emmanuel et le « serviteur » sont devenus dans les traditions juive et chrétienne comme deux figures du Messie (« Christ » en grec), le descendant de David choisi par Dieu. Pour le Nouveau Testament, Jésus le Christ possède à la fois les traits de l'Emmanuel, « Dieu avec nous » (Matt 1.22-23; 28.20) et ceux du serviteur « lumière du monde » (comparer És 42.6-7; 49.6 et Luc 2.29-30). Il libère des prisons intérieures et ouvre nos yeux sur la vérité de Dieu (És 61.1 et Luc 4.16-20). Enfin, comme le « serviteur », il meurt pour donner la vie au monde.
Au Moyen-Âge, Ésaïe était considéré comme le précurseur de Matthieu. Pour Jérôme de Stridon (traducteur biblique du 4e-5e siècle), il est le cinquième évangéliste. Dans son oratorio Le Messie (1741-1743), le musicien Haendel le cite dix-sept fois. Victor Hugo en fait un génie poétique. Croyants et incroyants trouvent toujours en ce livre un éclair fulgurant pour espérer et vivre.
Pour aller plus loin
Le poème d'Ésaïe 52.13–53.12 sur le serviteur souffrant est très célèbre. Dans la tradition juive, les épreuves du serviteur ont été mises en rapport avec celles du peuple d'Israël, méprisé et rejeté, ou encore, avec celles des justes persécutés. Parfois, transfiguré, le serviteur intercède pour les péchés d'Israël et triomphe de ses ennemis.
Dans les évangiles, le poème en son entier est, avec le Psaume 22 (21), une clé de lecture de la Passion de Jésus (voir Marc 10.45, par exemple). De plus, il permet d'interpréter le sens des guérisons (Matt 8.17-18), de la mort (Luc 22.37) et de toute la mission de Jésus et de ses disciples (Act 8.30-35). Grâce à ce texte, nous voyons mieux comment s'articulent le refus des croyants juifs (Jean 12.37-38; Rom 10.16) et la nécessité d'évangéliser les non-juifs (Rom 15.20-21). Enfin, il invite à contempler le salut donné et à suivre le Christ (1 Pi 2.21-25).
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